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La résistance aux antimicrobiens : une pandémie silencieuse

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L’antibiorésistance, une pandémie “silencieuse” ou “négligée”,1,2 est considérée par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) comme une menace mondiale pour la santé et le développement. Si rien n’est fait, l’antibiorésistance pourrait causer la mort de 10 millions de personnes par an d’ici 2050,3 coûter 100 milliards de dollars à l’économie mondiale1 et plonger 28 millions de personnes dans l’extrême pauvreté.4 Cette pandémie ne peut être négligée, et nous ne pouvons rester silencieux — le développement de nouveaux antimicrobiens doit être une priorité de santé publique.

Une impulsion politique décisive, guidée par l’avis d’experts, est essentielle pour surmonter les crises de santé publique. La pandémie du COVID-19 a montré qu’une action coordonnée est possible à l’échelle nationale et internationale. Toutefois, l’attention portée au SARS-CoV-2 a entraîné une baisse des activités de sensibilisation du public aux dangers de l’antibiorésistance.

L’antibiorésistance affecte de manière disproportionnée les populations des pays à revenu faible et intermédiaire (PRFI),3,5 où l’absence de moyens de prévention, de diagnostic et de traitement efficaces pour les maladies infectieuses se conjugue à l’accès libre aux antibiotiques. En Asie du Sud et en Amérique latine, où l’accès aux antibiotiques de deuxième intention est bon, le fardeau de l’antibiorésistance est causé par des niveaux élevés de résistance.6 Des collaborations mondiales telles que l’Alliance quadripartite7 et le Global Leaders Group8 promeuvent l’approche Une seule santé ou One Health fin d’améliorer la sensibilisation et la surveillance de l’antibiorésistance à l’échelle internationale.

One Health – le problème et la solution

Le concept One Health vise à assurer un équilibre durable entre la santé humaine, animale et environnementale. Dans le contexte de l’antibiorésistance, il s’agit d’une approche multidisciplinaire et multisectorielle visant à prévenir les maladies infectieuses émergentes et réémergentes.

Les voies potentielles du développement de l’antibiorésistance sont complexes et liées à tous les secteurs d’activité One Health (Figure 1 & Office des publications (europa.eu)), par exemple :

  • La surutilisation et le mauvais usage des antimicrobiens dans les milieux médicaux et vétérinaires,9
  • L’utilisation non réglementée et non contrôlée d’antimicrobiens en agriculture,10 entraînant en particulier une résistance aux antifongiques,11
  • Les réservoirs environnementaux d’antibiorésistance (par exemple, les eaux usées et les déchets non traités qui atteignent les réservoirs d’eau).5
Figure 1: Examples of how antimicrobial resistance spreads (CDC; National Antimicrobial Resistance Monitoring System for Enteric Bacteria (NARMS))

L’approche One Health englobe diverses stratégies de lutte contre l’antibiorésistance, à la fois scientifiques et logistiques :

  • Le développement de nouveaux antimicrobiens, d’outils de diagnostic précis et rapides, de vaccins et d’immunothérapies efficaces,
  • Une compréhension approfondie de l’antibiorésistance au niveau moléculaire, des interactions cible-médicament, de l’immunologie des maladies infectieuses et de la dysbiose suite à un traitement antibiotique,
  • L’amélioration des programmes de gestion des antimicrobiens et de prévention des infections, l’efficacité des programmes actuels étant insuffisante,12
  • Amélioration de l’accès aux ressources existantes en soins de santé, une meilleure gestion de la chaîne d’approvisionnement d’antimicrobiens et une réduction de l’exposition environnementale aux résidus antibiotiques,
  • Amélioration de la surveillance en santé publique et de la formation du personnel de santé au niveau mondial.

Le financement, une composante essentielle

La mobilisation des ressources est nécessaire pour l’innovation. Cependant, à l’heure actuelle, la recherche et développement (R&D) d’antimicrobiens est fragmentée et pâtit d’un manque de collaboration entre les universités, l’industrie et les cliniciens. CARB-X et le AMR Action Fund sont de bons exemples de sources de financement essentielles pour le développement de nouveaux antimicrobiens. Tout nouveau financement public ou privé doit être largement annoncé pour prouver que la R&D d’antimicrobiens est une priorité mondiale.

Une interruption du financement R&D peut entrainer l’abandon de projets, empêcher la croissance de nouvelles entreprises et entrainer un exode des chercheurs académiques et industriels vers des marchés plus stables et lucratifs. L’effondrement d’entreprises dont la commercialisation de nouveaux antibiotiques n’a pas empêché la faillite (par exemple Melinta Therapeutics et Achaogen), contribue au manque de confiance dans l’investissement R&D pour les antimicrobiens.

En réaction, des programmes de financement ont été lancés au Royaume-Uni13 et aux États-Unis14 pour récompenser les entreprises qui lancent de nouveaux antimicrobiens par le biais d’une redevance annuelle fixe, en dissociant la récompense financière du volume des prescriptions. Pour encourager les laboratoires pharmaceutiques internationaux à réinvestir dans la R&D dans ce domaine, des programmes similaires doivent être proposés à l’échelle mondiale.

Outre le financement de la R&D, il est nécessaire de soutenir la main-d’œuvre spécialisée dans les antimicrobiens. Les gouvernements peuvent créer des financements à destination de Jeunes équipes dans le domaine de l’antibiorésistance, proposer des formations dans l’innovation de thérapies et de prophylaxie antimicrobiennes et créer des centres de recherche sur l’antibiorésistance (nationaux/internationaux) qui serviraient de pôles R&D.

Conclusion

La lutte contre l’antibiorésistance à l’échelle mondiale nécessitera une réponse intégrée, collaborative et multisectorielle, un financement considérable et continu ainsi qu’un leadership décisif et un soutien ferme de la part des gouvernements, des leaders mondiaux en la matière, des universités, de l’industrie et des organismes à but non lucratif. Les initiatives politiques en matière d’antibiorésistance doivent être audacieuses, innovantes, coordonnées et durables.


Références

1. Mendelson M, Sharland M, Mpundu M. Antibiotic resistance: Calling time on the ‘silent pandemic’. JAC Antimicrob Resist 2022; 4:dlac016

2. Laxminarayan R. The overlooked pandemic of antimicrobial resistance. Lancet 2022;399:606–7.

3. O’Neill J. Tackling drug-resistant infections globally: final report and recommendations. The review on antimicrobial resistance 2016.

4. World Bank Group. Drug-resistant infections: a threat to our economic future 2017.

5. World Health Organization. Technical brief on water, sanitation, hygiene and wastewater management to prevent infections and reduce the spread of antimicrobial resistance 2020.

6. Antimicrobial Resistance Collaborators. Global burden of bacterial antimicrobial resistance in 2019: a systematic analysis. Lancet 2022;399:629–55.

7. Quadrapartite Collaboration. One health joint plan of action working together for the health of humans, animals, plants and the environment 2022.

8. Global Leaders Group on AMR. Priorities of the global leaders group on AMR for 2021-2022 2021.

9. McEwen SA, Collignon PJ. Antimicrobial resistance: a one health perspective. Microbiol Spectr 2018;6.

10. Taylor P, Reeder R. Antibiotic use on crops in low and middle-income countries based on recommendations made by agricultural advisors. CABI Agric Biosci 2020;11:1–14.

11. Miller SA, Ferreira JP, LeJeune JT. Antimicrobial use and resistance in plant agriculture: A one health perspective. Agriculture, 12(2):289.

12. Poluektova O, Robertson DA, Rafferty A, Cunney R, Lunn PD. A scoping review and behavioural analysis of factors underlying overuse of antimicrobials. JAC Antimicrob Resist 2023; 4:dlad043,

13. Mahase E. UK launches subscription style model for antibiotics to encourage new development. BMJ 2020;369:m2468.

14. Press release: Bennet, Young, Doyle, Ferguson Introduce PASTEUR Act to Fight Antimicrobial Resistance 2021.


Auteurs

Derry Mercer

Responsable du Programme Antimicrobiens/Antimicrobial Programme Head

Cyril Guyard

Directeur Scientifique, Direction Scientifique et technologique/Chief Scientific Officer

Traduit en Français avec www.DeepL.com/Translator (version gratuite), édité par Loane Serrano et Raphaëlle Ripoche


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