Article publié dans le Figaro le 21 juin 2022
Stéphany Gardier livre dans Le Figaro un reportage au Laboratoire d’évolution et ingénierie des systèmes dynamiques de l’Inserm – Université Paris Cité, « qui vient de lancer cette semaine l’initiative «Science à la pelle» ».
Vincent Libis, coresponsable du projet, explique ainsi : « Plus de 80% des antibiotiques de la pharmacopée actuelle proviennent des bactéries vivant dans le sol. C’est donc le meilleur substrat à analyser si l’on veut avoir une chance de trouver de nouvelles molécules antibiotiques ».
La journaliste souligne que « le besoin est urgent. Les antibiorésistances se multiplient et constituent une menace sanitaire bien réelle. Elles seraient déjà responsables de plus de 1,2 million de décès par an, selon une récente étude parue dans la revue The Lancet ».
« Avec la découverte de la pénicilline en 1928, la médecine moderne a franchi un tournant décisif. Mais force est de constater qu’après un âge d’or, la recherche de nouveaux antibiotiques s’est peu à peu appauvrie avec le temps », continue Stéphany Gardier.
Vincent Libis déclare que « c’est tout un pan qui a été délaissé par les laboratoires pharmaceutiques, il faut donc compter sur la recherche académique et les citoyens. Et s’ils sont motivés, il peut y avoir un réel impact ».
La journaliste note qu’« avec son équipe, le chercheur a testé la faisabilité du protocole dans les parcs publics parisiens. La démarche est simple : il suffit de prélever l’équivalent d’une cuillère à café de sol, de l’emballer dans un sac congélation ou du film plastique alimentaire, puis de l’envoyer au laboratoire. Les scientifiques pourront alors se lancer dans ce qui ressemble bien à la recherche d’une aiguille dans une meule de foin ».
Le chercheur souligne que « les sols sont très riches en bactéries. On estime qu’il y a 1000 espèces différentes et des milliards d’individus dans un seul gramme de terre. […] Si nous isolons une bactérie avec un potentiel antibiotique, nous avons aujourd’hui une plateforme et un protocole qui permettent d’obtenir la molécule à tester en douze mois environ ».
Stéphany Gardier relève que « les premiers échantillons de sols parisiens ont déjà été passés au crible et les analyses ont révélé la présence de souches inattendues ».
Vincent Libis indique : « Nous avons été surpris de découvrir dans le sol prélevé à Denfert-Rochereau des bactéries connues pour être aussi présentes sur l’Île de Pâques. Nous sommes très impatients de voir ce que peuvent receler les sols que les citoyens nous feront parvenir ».
La journaliste fait savoir qu’« une application a été développée pour simplifier la tâche des participants : elle permet de géolocaliser le site précis du prélèvement et d’enregistrer une photo du lieu. Une carte interactive sera aussi disponible afin de voir si des zones proches de chez soi ou de son lieu de vacances ont déjà été explorées ».
Elle ajoute que « l’objectif de «Science à la pelle» est aussi de constituer une vraie communauté autour du projet, afin de pouvoir resserrer les zones de recherche en cas de besoin ».
Vincent Libis précise que « si par exemple un échantillon contient une bactérie qui se révèle porteuse de gènes d’intérêt, nous aurons peut-être besoin d’échantillons supplémentaires ou dans des zones proches. Ce serait très utile de pouvoir demander aux citoyens de la région de retourner sur les lieux ».