Voir l’article en entier ici : Résistance aux antibiotiques · Inserm, La science pour la santé
Les antibiotiques ont permis de faire considérablement reculer la mortalité associée aux maladies infectieuses au cours du 20e siècle. Hélas, leur utilisation massive et répétée a conduit à l’apparition de bactéries résistantes à ces médicaments. Qui plus est, les animaux d’élevage ingèrent au moins autant d’antibiotiques que les humains ! Résultat : la résistance bactérienne est devenue un phénomène global et préoccupant. Pour éviter le pire, la communauté internationale se mobilise. Mais la route est longue…
Comprendre la résistance aux antibiotiques
À l’origine, les antibiotiques sont des molécules naturellement synthétisées par des microorganismes pour lutter contre des bactéries concurrentes présentes dans leur environnement. Depuis leur découverte, leur utilisation en médecine humaine et vétérinaire a conduit au développement de plusieurs familles d’antibiotiques, naturels, semi-synthétiques ou de synthèse, qui s’attaquent spécifiquement à une bactérie ou à un groupe de bactéries par différents mécanismes d’action.
De la résistance naturelle à la résistance acquise
Certaines bactéries sont naturellement résistantes à des antibiotiques, par le biais de différents mécanismes :
- production d’une enzyme qui modifie ou détruit l’antibiotique,
- modification de la cible de l’antibiotique,
- imperméabilité de la membrane de la bactérie,
- efflux de l’antibiotique hors de la bactérie.
La plupart du temps, ces mécanismes de résistances innées sont liés à la présence de gènes particuliers, localisés sur le chromosome de la bactérie, et ne concernent qu’un seul antibiotique ou qu’une seule famille d’antibiotiques. Mais une bactérie peut acquérir un, plusieurs, voire l’ensemble de tous ces mécanismes de résistance et devenir ainsi résistante à un ou plusieurs antibiotiques auxquels elle était sensible auparavant. Ces résistances peuvent être secondaires à l’apparition d’une mutation génétique qui affecte le chromosome de la bactérie, ou, le plus souvent, à l’acquisition de matériel génétique (plasmide, transposon) issu d’une autre bactérie, porteur d’un ou plusieurs gènes de résistance. Les résistances plasmidiques représentent 80 % des résistances acquises et peuvent concerner plusieurs antibiotiques, voire plusieurs familles d’antibiotiques.
L’antibiorésistance : point sur la situation en France
En France, la surveillance continue de l’antibiorésistance dans les établissements de santé (mission Spares) et en ville (mission Primo) permet d’identifier les menaces émergentes ou persistantes, de mettre en place des actions correctrices de ces phénomènes et d’en suivre l’efficacité. Les derniers chiffres disponibles (2022) montrent que la consommation globale d’antibiotiques est en augmentation, notamment celle de molécules à large spectre (qui ciblent plusieurs espèces de bactéries) et des antibiotiques récents efficaces contre les bactéries multirésistantes. La surveillance reste donc de mise afin d’évaluer les répercussions de ces évolutions.
Un programme prioritaire de recherche piloté par l’Inserm
Initié en 2020 dans le cadre du programme d’investissement d’avenir de l’État français (PIA3) et doté de 40 millions d’euros sur 10 ans, un programme prioritaire de recherche piloté par l’Inserm vise à développer de nouvelles stratégies et de nouvelles mesures pour optimiser l’usage des antibiotiques et inverser la courbe de prévalence des résistances.
Les projets de recherche financés dans ce programme s’articulent autour de 4 grandes thématiques : dynamiques et contrôle de l’émergence, de la transmission et de la dissémination des résistances dans toutes les dimensions du One Health, optimisation de l’usage des antibiotiques en médecine humaine et vétérinaire, déterminants individuels, ethnologiques et sociologiques, économiques, politiques et culturels de l’antibiorésistance, et innovation thérapeutique. Ils portent sur des thématiques aussi diversifiées que la dynamique des transmissions bactériennes Homme-animal et leur dissémination dans les écosystèmes, les études de caractérisation des communautés bactériennes (y compris celles du sol) et leur résistance, l’étude de nouvelles cibles bactériennes, d’antibiotiques et de thérapies alternatives aux antibiotiques, ainsi que des études visant au bon usage d’antibiotiques afin d’en réduire leur consommation chez l’humain. S’y ajoutent trois projets « structurants » (plateforme ABRomics et réseaux Promise et Dosa), pour la mise en commun des données, des expertises et des besoins.
Enfin, le programme s’est investi dans l’organisation et la structuration de deux projets de recherche avec des partenaires à Madagascar, au Cambodge, en Côte d’Ivoire et au Burkina Faso. Le projet RAMSES a pour ambition d’étudier les facteurs socio-économiques et de régulations qui influent l’émergence et la dissémination des résistances dans les 4 pays. Le projet CircUs vise quant à lui à analyser la circulation des entérobactéries multirésistances chez les humains, les animaux et l’environnement dans les zones rurales et périurbaines.
Pour en savoir plus sur le programme prioritaire de recherche Antibiorésistance