Emission radio “Et maintenant” de Quentin LAFAY sur France Culture, diffusée le 08 février 2022
Selon une étude du Lancet, l’antibio-résistance cause désormais, à l’échelle mondiale, plus de décès que le Sida ou que le paludisme.
Depuis l’utilisation de la pénicilline G en 1941, découverte par accident en 1928, les antibiotiques ont sauvé des millions de vie. Et alors que les bactéries avaient été identifiée comme l’une des principales causes de décès (fièvre, typhoïde, coqueluche, tuberculose, certaines pneumonies), on espérait que les antibiotiques permettraient un jour d’éradiquer les décès par infection bactérienne.
Et Maintenant ? Eh bien les antibiotiques continuent de sauver des vies, massivement, mais de nombreuses bactéries sont devenues résistantes, insensibles à certains d’entre eux. Dans le monde, l’antibio-résistance est l’une des sources principales de mortalité. C’est ce que révèle une étude parue dans The Lancet, qui compile les données de 204 pays. Et selon laquelle l’efficacité décroissante des antibiotiques a causé 1,27 million de décès à l’échelle planétaire au cours de l’année 2019. Soit davantage que le sida ou que le paludisme. Philippe GLASER, responsable de l’unité Écologie et évolution de la résistance aux antibiotiques à l’Institut Pasteur, nous explique en quoi cette étude du Lancet est une première.
L’antibio-résistance est un phénomène connu et naturel : concrètement, pour tenter de survivre, les bactéries développent génétiquement un arsenal de protection pour lutter contre ce qui les menace. Toutefois, ce phénomène est décuplé par notre mésusage des antibiotiques. C’est-à-dire : un excès de consommation, lors d’une mauvais prescription par exemple. Et une mauvaise consommation : c’est-à-dire le recours à des antibiotiques de faible qualité.
Ainsi, l’Organisation mondiale de la santé alerte : « on risque à l’avenir de ne plus disposer d’antibiotiques permettant de soigner les infections bactériennes courantes. »
Dans le monde, l’Afrique subsaharienne et l’Asie du Sud sont les plus frappées. Et les enfants sont les premières victimes. Evelyne JOUVIN-MARCHE, Directeur de recherche Inserm, coordinatrice du Programme prioritaire de recherche Antibiorésistance, nous explique pourquoi.
En Europe, en France, l’antibio-résistance est aussi un problème majeur. En effet, elle rend intraitable certaines infections répandues, comme les infections respiratoires ou urinaires. L’une des causes ? La prescription d’antibiotiques, qui demeure excessive.
En effet, la France est le troisième pays dans lequel on en prescrit le plus en Europe. Deux fois plus qu’en Allemagne. Philippe GLASER nous dit l’importance ce surveiller le phénomène.
Par ailleurs, une large partie des antibiotiques consommés dans le monde l’est par les animaux d’élevage. Le but ? Traiter leurs infections et accélérer leur croissance. Interdites dans l’Union européenne depuis 2006, ces pratiques continuent de prospérer dans de nombreux pays avec un impact majeur sur la santé humaine. Plus largement, l’antibio-résistance est une menace pour l’ensemble du vivant.
Alors, dans les années à venir, on pourra investir pour développer d’urgence d’autres médicaments et traitements, s’organiser pour réduire les infections, notamment nosocomiales améliorer les pratiques de prescription, mais il importe plus profondément de changer de regard. Pour certains experts, l’antibio-résistance est désormais comparable à une maladie émergente.
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