Article publié sur le site de l’ANSM le 18 novembre 2021
A l’occasion de la journée européenne d’information sur les antibiotiques du 18 novembre, les acteurs engagés dans la lutte contre l’antibiorésistance publient un état des lieux de la consommation des antibiotiques et de la résistance bactérienne, en santé humaine et animale en France, ainsi que les pistes d’actions pour l’avenir dans une approche « une seule santé ».
La pandémie de COVID-19 a eu un impact certain en santé humaine : la diminution de la consommation en ville est très nette, l’activité hospitalière a évolué de manière différente en lien avec la prise en charge des patients COVID-19. En santé animale, les objectifs des plans Ecoantibio sont atteints. Ces progrès notables nécessitent de poursuivre les efforts individuellement et collectivement.
Antibiorésistance en médecine humaine : l’impact de la pandémie de COVID-19
En 2020, la pandémie de COVID-19 et les mesures nécessaires à sa maîtrise (confinement, gestes barrières) ont modifié les comportements des Français, avec un effet bénéfique observé sur d’autres infections. La pandémie a aussi eu pour conséquence une diminution des consultations médicales et des prescriptions d’antibiotiques : la baisse de consommation est très significative en ville, moins nette en établissement de santé.
La consommation varie en fonction des molécules et la résistance des bactéries aux antibiotiques évolue de manière contrastée. Malgré ces progrès, la France reste l’un des pays européens les plus consommateurs d’antibiotiques, se classant au 26ème rang sur 29. Diminuer de façon durable la consommation des antibiotiques reste un enjeu prioritaire auquel le maintien de l’adoption de pratiques de prévention des infections au niveau individuel et collectif pourrait en partie contribuer.
Consommation d’antibiotiques en ville : une diminution d’une ampleur jamais observée
Le suivi annuel mis en place par Santé publique France montre une baisse très importante des prescriptions et de la consommation d’antibiotiques en secteur de ville où sont délivrés 92% des antibiotiques. En 2020, 44,4 millions de prescriptions ont été dispensées en ville. Elles ont chuté de 18% par rapport à 2019.
Cette réduction de la consommation d’antibiotiques jamais observée jusque-là concerne toutes les classes d’âge quel que soit le sexe. Elle est toutefois plus marquée chez les enfants de moins de 4 ans et l’est moins chez les personnes âgées de plus de 64 ans.
Evolution particulière de l’antibiorésistance en établissements de santé
En établissements de santé, la consommation d’antibiotiques pour 1 000 journées d’hospitalisation a augmenté de 2,1 % en 2020, passant de 300 à 306 DDJ/1 000 JH dans un contexte de diminution d’activité des établissements de santé de 8 % du fait de la crise sanitaire. L’augmentation de la consommation de certaines familles de molécules – telles que les macrolides (+35%) ou les carbapénèmes (+17%) pourrait être en lien avec la prise en charge de patients COVID-19.
De même, dans les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) rattachés à un établissement de santé, l’augmentation de la consommation de certaines familles de molécules, alors que la consommation globale a diminué en 2020, pourrait être expliquée par la prise en charge médicale de patients COVID-19.
L’évolution de la résistance des bactéries aux antibiotiques est plus contrastée avec une stabilisation du nombre de cas de staphylocoques dorés résistants à la méticilline (de 18 en 2019 à 17 cas pour 100 000 journées en 2020) et une augmentation du nombre de cas d’entérobactéries productrices de Béta-lactamase à spectre étendu BSLE (55 pour 100 000 journées d’hospitalisation en 2019 versus 58 en 2020) ou de carbapénémases (1,1 cas en 2019 et 1,3 cas en 2020 pour 100 000 journées d’hospitalisation).
Au final, la pandémie de COVID-19 a mis en évidence que nos comportements peuvent avoir un impact rapide sur certains indicateurs de l’antibiorésistance. L’hygiène des mains renforcée et les autres gestes barrières en limitant la diffusion des pathologies hivernales et en réduisant les opportunités de prescription ont pu contribuer à maîtriser l’antibiorésistance.
Néanmoins, l’équilibre entre strict respect de ces mesures, modes de vies et échanges sociaux est à trouver. Le niveau de consommation reste élevé et il est donc important de promouvoir le bon usage des antibiotiques afin d’éviter les prescriptions inutiles. Les prochaines années diront si ces pratiques de prévention persistent au long cours dans la population et si les observations de 2020 perdurent.
Antibiorésistance en médecine vétérinaire : une baisse continue de l’usage des antibiotiques
Depuis 2011 et la mise en place du premier plan ECOANTIBIO, l’utilisation des antibiotiques en médecine vétérinaire n’a cessé de diminuer. Le dernier rapport de surveillance européenne de la consommation d’antibiotiques vétérinaires (ESVAC) publié en 2020 par l’agence européenne du médicament (EMA) montre que les efforts français la placent en 3e position au niveau européen en termes de pourcentage de réduction de l’utilisation des antibiotiques en médecine vétérinaire entre 2011 et 2018 (période étudiée par le rapport).
En effet, les ventes d’antibiotiques vétérinaires en France ont chuté depuis 2011 de 54,8% selon le dernier rapport de l’ANSES. L’exposition des animaux aux antibiotiques, reflétée par l’indicateur ALEA, lequel est davantage révélateur de l’utilisation qui est faite des antibiotiques, a baissé de 45,4% depuis 2011 pour toutes les filières.
Afin de mieux cibler la lutte entreprise contre l’antibiorésistance, les antibiotiques d’importance critique (AIC) qui permettent notamment de traiter des infections humaines graves et celles dues à des bactéries d’origine non humaine mais pouvant être transmises à l’humain font l’objet d’une attention particulière.
La colistine a été intégrée aux objectifs de réduction d’exposition du Plan ECOANTIBIO 2 en raison des données préoccupantes sur la résistance à cette molécule. Un objectif de réduction de 50 % en 5 ans de l’exposition à la colistine a été fixé en filières bovine, porcine et avicole par rapport à 2014-2015. La diminution d’exposition aux AIC a été d’environ 90% entre 2013 et 2020 et de 74,6% pour la colistine entre 2011 et 2020 toutes filières confondues.
En ce qui concerne le plan ECOANTIBIO 2, la diminution de l’exposition à la colistine en filières bovine, porcine et avicole par rapport à 2014-2015 est déjà de 66%, l’objectif de réduction du plan est donc atteint.
Ces efforts ont été permis par la forte implication des éleveurs et des vétérinaires. Cette mobilisation doit se poursuivre à l’avenir pour perpétuer les bons résultats de réduction de l’utilisation des antibiotiques dans le domaine vétérinaire et continuer d’avoir un usage prudent et responsable des antibiotiques en médecine vétérinaire.